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autres ; et moyen d’échange, l’instrument par lequel elle s’opère.

L’argent — ce moyen inoffensif d’échange — est nécessaire aux hommes dans leurs relations. Alors pourquoi, là où l’on n’exige pas les impôts d’argent n’y eut-il jamais et ne pourrait-il y avoir d’argent, au vrai sens du mot ? C’était et ce sera comme chez les Fidjiens, les Kirgis, les Africains, les Phéniciens et, en général chez les hommes qui ne paient pas d’impôts, tantôt un simple échange d’objets, tantôt les signes arbitraires de valeur : des moutons, des fourrures, des peaux, des coquillages.

L’argent ne rentre en circulation parmi les hommes que quand on l’exige par force de tous. Seulement alors il devient nécessaire à chacun pour se racheter de la violence, seulement alors il reçoit la valeur d’échange immuable. Le prix appartient non à ce qui est le plus commode pour l’échange, mais à ce qu’exige le gouvernement. Exige-t-on de l’or ? c’est l’or qui aura de la valeur ; si l’on exigeait des osselets, les osselets auraient de la valeur. Si ce n’était ainsi, pourquoi donc l’émission de ce moyen d’échange aurait-elle toujours été la prérogative du pouvoir ? Des hommes, les Fidjiens, par exemple, ont établi leur moyen d’échange ; eh bien, laissez-les échanger avec qui il leur plaît, et vous, les hommes qui avez le pouvoir, c’est-à-dire le moyen de violence, ne vous en mêlez pas.