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ne circulât en quantité suffisante dans l’île, mais de prendre aux indigènes certains produits et de les vendre soi-même.

Cet épisode tragique de la vie des Fidjiens est l’indication la plus claire et la meilleure de ce qu’est l’argent et de ce qu’est son importance. Tout y est exprimé : la première condition nécessaire d’asservissement : le canon, les menaces, le meurtre, l’occupation de la terre, et le moyen principal, l’argent qui a remplacé tous les autres. Ce qu’il faut suivre pendant des siècles dans l’histoire du développement économique des peuples, ici se déroule dans l’espace d’une dizaine d’années, parce que toutes les formes de violences par l’argent ont déjà été expérimentées. Le drame commence par ceci : le gouvernement américain envoie un bateau armé de canons sur les côtes d’îles habitées qu’il veut asservir. L’argent est le prétexte de cette menace ; mais le commencement du drame, c’est le canon dirigé contre tous les habitants : femmes, enfants, vieillards, même des hommes, qui ne sont en rien coupables ; c’est le phénomène qui se répète actuellement en Amérique, en Chine, en Asie Centrale. C’est le commencement du drame : la bourse ou la vie, répété dans l’histoire de tous les peuples vaincus. Quarante-cinq mille dollars, ensuite quatre-vingt-dix mille ou le massacre ! Mais ils n’ont pas ces quatre-vingt-dix mille dollars ; les Américains les ont. Et le