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les meilleurs morceaux de terre où ils faisaient des plantations de coton et de café, les Américains louaient des foules entières d’indigènes en les liant par des contrats tout à fait incompréhensibles pour des sauvages, ou en agissant par des entrepreneurs spéciaux ou des fournisseurs de chair humaine.

Les conflits entre ces patrons planteurs et les indigènes, qu’ils considéraient comme leurs esclaves, étaient inévitables.

Quelques-uns de ces conflits servirent de prétexte à la revendication américaine. Malgré leur bien-être, jusqu’à présent, les Fidjiens avaient conservé les formes de l’économie appelée naturelle qui existait en Europe au moyen âge : l’argent ne circulait pas parmi les indigènes ; tout le commerce avait exclusivement le caractère d’échange. La marchandise s’échangeait contre la marchandise ; les impôts, peu nombreux, étaient prélevés directement en produits agricoles.

Que pouvaient faire les Fidjiens et leur roi Kakabo quand les Américains exigèrent catégoriquement quarante-cinq mille dollars, sous les menaces les plus dures en cas de non-paiement ? Pour les Fidjiens ce chiffre était même incompréhensible, sans compter qu’ils n’avaient jamais vu d’argent en telle quantité. Kakabo, après avoir consulté les autres chefs, décida de s’adresser à la reine d’Angleterre. D’abord il la pria de prendre les îles sous son protectorat et ensuite, tout nette-