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— Pourquoi ?

— Mais toute votre société, c’est de la bêtise, il n’en sortira rien de bon, — répéta-t-il avec conviction.

— Il n’en sortira rien ! comment ? Pourquoi des bêtises, si nous pouvons aider des milliers, ou même des centaines de malheureux ? Est-ce mal de vêtir ceux qui sont nus, de rassasier les affamés, comme dit l’évangile ?

— Je sais, je sais, mais ce n’est pas ce que vous faites. Peut-on aider ainsi ? Tu vois un homme, il te demande vingt kopeks, tu les lui donnes. Est-ce la charité ? Donne-lui l’aumône spirituelle, instruis-le ; et toi, que lui fais-tu ? Non, tu ne veux que t’en débarrasser.

— Mais non, ce n’est pas cela. Nous voulons connaître la misère et alors aider par l’argent et les actes ; trouver du travail.

— Mais de cette façon vous ne ferez rien à ces gens.

— Alors, il faut les laisser mourir de faim et de froid ?

— Pourquoi mourir ? sont-ils nombreux ici ?

— Comment, s’ils sont nombreux ! dis-je, pensant qu’il n’envisageait la chose si facilement que par ignorance de l’énorme quantité de gens se trouvant en pareille situation. Mais sais-tu, dis-je, je crois qu’il y a à Moscou environ vingt mille de ces gens qui ont froid et faim. Et