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vivaient les hommes de son temps, au droit romain et aux différents codes — il impose cette règle de la non résistance, qui, d’après sa doctrine, doit être la base de la vie commune des hommes et doit délivrer l’humanité des maux qu’elle s’inflige elle-même. Il dit : Vous croyez que vos lois diminuent le mal, — elles ne font que l’augmenter. Il n’y a qu’un moyen d’arrêter le mal — rendre le bien pour le mal à chacun, sans acception de personnes.

Chose étonnante ! Dans ces derniers temps, il m’est arrivé fréquemment de causer avec les personnes les plus différentes de cette loi de Christ sur la non résistance, et, rarement, j’ai rencontré des gens qui fussent de mon avis. Mais deux catégories d’hommes n’admettent jamais, même en principe, le sens direct de cette loi et défendent avec ardeur l’équité de la résistance au mal. Ces hommes appartiennent à deux pôles extrêmes : les chrétiens patriotes, conservateurs, qui professent l’infaillibilité de leur Église, et les révolutionnaires athées. Ni les uns ni les autres ne veulent renoncer au droit de résister par la violence à ce qu’ils regardent comme le mal. Les plus savants, les plus intelligents d’entre eux ne veulent pas voir cette vérité simple et évidente, que, si l’on admet le droit d’un homme de résister par la violence à ce qu’il regarde comme le mal, chaque homme a le droit de résister par la violence à ce qu’il regarde comme le mal.