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point de réponse. Il était trop évident en effet que, du moment qu’un chrétien prend possession d’un siège de juge, il peut non seulement juger le prochain mais le condamner à mort.

Je m’adressai aux écrivains grecs, catholiques, protestants, ceux de l’école de Tubingen et de l’école historique. Partout, même chez les commentateurs les plus affranchis, ces paroles sont prises dans le sens de la défense de médire. Mais pourquoi ces paroles, contrairement à toute la doctrine du Christ, sont-elles interprétées dans un sens si étroit ? Pourquoi supposer que Christ, en défendant de médire du prochain par légèreté, ne défend pas l’action de juger systématiquement le prochain avec la possibilité d’infliger une punition au condamné, pourquoi ne considère-t-il pas cela comme un acte mauvais et ne le défend-il pas ? À tout cela point de réponse, rien pouvant permettre de donner au mot juger le sens de juger en justice, c’est-à-dire devant les tribunaux, dont souffrent des millions de personnes. Bien plus, en commentant les paroles : ne jugez point et ne condamnez point, cette forme du jugement en justice, la plus cruelle, est passée soigneusement sous silence ou même justifiée. Les commentateurs théologiens disent que dans les États chrétiens les tribunaux sont nécessaires et nullement contraires à la loi du Christ.

Comme je doutais de la bonne foi de ces com-