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terprétais les paroles : « Ne jugez point afin que vous ne soyez point jugés » (Matth., vii, 1). « Ne jugez point et vous ne serez point jugés ; ne condamnez point et vous ne serez point condamnés. » (Luc, vi, 37). Les tribunaux auxquels je participais et qui garantissaient ma propriété et ma sécurité me semblaient une institution si indubitablement sacrée, si bien d’accord avec la loi de Dieu, que jamais il ne m’était venu à l’idée que ces paroles pouvaient signifier autre chose que ne pas dire de mal du prochain. Je n’avais jamais pensé que, dans ces paroles, Christ ait eu en vue les tribunaux : tribunaux d’arrondissement, tribunaux criminels, cours d’assises, justices de paix et différentes Cours de cassation et Départements du Sénat. La question de savoir quelle pouvait être l’attitude de Christ envers tous ces tribunaux et Départements ne se posa à moi que lorsque j’eus compris dans leur sens direct les paroles sur la non-résistance au mal. Et, ayant compris qu’il devait les réprouver, je me demandai si ces paroles ne voulaient pas dire : non seulement ne jugez point le prochain, ses paroles, ne médisez point, mais ne le jugez point devant les tribunaux — ne jugez point le prochain dans vos institutions humaines.

Chez Luc, dans le chapitre vi, versets 37 à 49, ces paroles suivent immédiatement le commandement de ne pas résister au méchant et de rendre le