Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est là, en face de l’humanité, aujourd’hui comme du temps de Samuel. Elle s’imposait également à Christ lui-même et à ses disciples. Elle s’impose de nos jours à ceux qui veulent être chrétiens ; et elle était là devant moi.

La loi du Christ, avec sa doctrine de l’amour, de l’humilité, du renoncement, touchait mon cœur et m’attirait maintenant comme auparavant. Mais, de tous côtés, dans l’histoire, dans la vie moderne qui m’entoure, dans ma vie personnelle, je vois la loi opposée, celle que mon cœur, ma conscience, ma raison repoussent, mais qui répond à mes instincts bestiaux. Je sentais que si j’adoptais la loi du Christ, je resterais seul, j’aurais à souffrir, je serais persécuté et affligé, exactement comme l’a dit Christ. Au contraire, si j’adopte la loi humaine, tout le monde m’approuvera, je serai tranquille, protégé, et j’aurai à ma disposition toutes les ressources de l’intelligence pour calmer ma conscience. Je rirai et me réjouirai, précisément comme l’a dit Christ. Je sentais cela, c’est pourquoi non seulement je n’approfondissais pas le sens de la loi du Christ, mais je m’évertuais à la comprendre de façon qu’elle ne m’empêchât pas de vivre de ma vie animale. C’était ne pas vouloir la comprendre du tout, c’est pourquoi je ne la comprenais pas.

Dans cette obstination à ne pas comprendre, j’arrivais à un degré d’aberration qui m’étonne maintenant. Voici, par exemple, comment j’in-