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sait sur une loi réprouvée par Christ, sur la loi : dent pour dent.

Mes maîtres spirituels enseignaient que la loi du Christ est divine, mais que, vu la faiblesse humaine, elle est impossible à pratiquer, à moins que la grâce du Christ ne nous vienne en aide. Mes maîtres laïques, et toute l’organisation sociale qui m’entourait, affirmaient déjà nettement l’impossibilité de remplir la doctrine du Christ et son idéal et, par les paroles et les actes, ils m’enseignaient ce qui est contraire à cette doctrine. Cette idée, que la doctrine de Dieu est impraticable, me pénétra si bien et me devint si habituelle, elle s’accordait si bien avec mes passions, que je n’avais jamais remarqué jusqu’à présent la contradiction dans laquelle je me trouvais. Je ne voyais pas qu’il était impossible de confesser en même temps Christ-Dieu, dont la doctrine a pour base la non résistance au méchant, et en même temps de travailler consciemment et tranquillement à l’organisation de la propriété, des tribunaux, de l’État, des armées, d’organiser, en un mot, une existence contraire à la doctrine du Christ, et d’adresser des prières à ce même Christ pour qu’il nous permette de pouvoir observer son commandement de ne pas résister au méchant et de pardonner. Il ne me venait pas encore à la pensée ce qui me paraît clair maintenant : qu’il eut été bien plus simple d’organiser la vie selon la loi du Christ et de demander ensuite, dans