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muniquée dans toute sa crudité (je l’eusse repoussée), mais qu’insensiblement, je me l’étais assimilée dès mon enfance, avec le lait de ma mère, et que toute ma vie ultérieure, n’avait fait qu’affermir en moi cette étrange erreur.

Dès mon enfance on m’avait enseigné que Christ est Dieu et que sa doctrine est divine, mais en même temps, on m’apprenait le respect des institutions qui garantissent par la violence ma sécurité contre les méchants et on m’apprenait à considérer ces institutions comme sacrées. On m’enseignait à résister au méchant, on m’inculquait l’idée qu’il est honteux de céder au méchant et louable de lui résister. On m’apprenait à juger et à punir. Puis on m’enseignait le métier des armes, c’est-à-dire, de résister au méchant par le meurtre ; et l’armée dont je faisais partie, on l’appelait l’armée aimée du Christ ; on louait son activité et on appelait sur elle la bénédiction chrétienne. En outre, depuis mon enfance jusqu’à l’âge adulte, on m’apprit à vénérer ce qui est en contradiction flagrante avec la loi du Christ. Répondre à l’agresseur, se venger par la violence des offenses faites à ma personne, à ma famille, à mon peuple ; non seulement on ne blâmait pas tout cela, mais on m’apprenait à considérer que tout cela était bien et conforme à la loi du Christ.

Tout ce qui m’entourait, ma sécurité et celle de ma famille, ma propriété, tout cela cependant repo-