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dant ils les respectent et se soumettent à ceux qui sont chargés de les mettre en vigueur — la police ; ils se soumettent docilement et cèdent aux exigences les plus terribles. Ces fonctionnaires ou ces assemblées décident que tout jeune homme doit être prêt à prendre les armes, à mourir lui-même et à tuer les autres, et tous les pères et mères qui ont élevé des fils obéissent à cette loi, rédigée hier par un employé mercenaire, et révocable demain.

L’idée d’une loi raisonnable, indiscutable et obligatoire pour chacun, dans sa conscience, est si bien abolie dans notre société que l’existence chez le peuple juif d’une loi qui réglait toute la vie, d’une loi obligatoire non par contrainte, mais d’après la conscience de chacun, est considérée comme quelque chose de particulier au peuple hébreu. Le fait que les Hébreux n’aient obéi qu’à ce qu’ils reconnaissaient comme la vérité incontestable émanée de Dieu, c’est-à-dire qu’ils n’agissaient que d’accord avec leur conscience, ce fait est considéré comme une particularité des Juifs. Mais obéir à ce qui est édicté, au su de tout le monde, par des hommes méprisables, à des lois imposées par des gendarmes, à ce que chacun, ou au moins la majorité des hommes regarde comme inique, c’est-à-dire contraire à la conscience, voilà ce que l’on considère comme l’état normal, naturel à l’homme civilisé.

En vain je cherche dans notre monde civilisé