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taire. Je compris que Christ n’exhorte point à présenter la joue et à abandonner la tunique, pour s’imposer des souffrances, mais qu’il exhorte à ne pas résister au méchant, alors même que la pratique de cette règle peut être accompagnée de souffrances. Un père qui envoie son fils faire un voyage lointain, ne lui ordonne pas de passer ses nuits sans sommeil, de se priver de nourriture, de s’exposer à la pluie et au froid s’il lui dit : « Va ton chemin sans t’arrêter, quand même tu serais trempé ou grelottant. » De même Christ ne dit pas : « Présenter la joue, souffrez » ; il dit : « Ne résistez pas au méchant, et quoi qu’il advienne, ne résistez pas. » Ces paroles : Ne résistez pas au mal, ou au méchant, comprises dans leur acception directe, furent véritablement pour moi la clef qui m’ouvrit tout. Et il me parut étonnant d’avoir pu mésentendre ces paroles si claires et si précises. Vous avez appris : dent pour dent, et moi je dis : Ne résistez pas au mal ou au méchant ; quelque violence que te fasse le méchant, supporte-la, cède tout ce que tu as, mais ne résiste pas. Qu’y a-t-il de plus clair, de plus intelligible, de plus précis que cela ? Dès que j’eus saisi le sens simple et exact de ces mots, tels qu’ils sont dits, aussitôt tout ce qui dans la doctrine de Christ, non seulement dans le Sermon sur la Montagne mais dans tous les évangiles, semblait obscur devint clair, ce qui semblait contradictoire s’accorda, et, surtout, ce qui