Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/256

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vitable de la vie de l’homme. Le travail est la source du vrai bien pour l’homme. C’est pourquoi il est mauvais de refuser de partager avec autrui le fruit de son travail. Il est bon d’abandonner aux autres le fruit de son travail.

« Si les hommes ne s’arrachent pas la nourriture les uns aux autres, ils mourront de faim », disons-nous. Il me semble qu’il serait plus juste de dire le contraire : si les hommes s’arrachent l’un l’autre leur nourriture, certains mourront de faim, ce qui a lieu en effet.

Chaque homme, qu’il vive selon la doctrine de Christ ou selon la doctrine du monde, ne subsiste que grâce aux soins des autres hommes. Depuis sa naissance l’homme est soigné, surveillé et nourri par les autres. Mais, selon la doctrine du monde, l’homme a le droit d’exiger, par le vol et la menace, que les autres continuent à le nourrir, lui et sa famille. Selon la doctrine de Christ, l’homme, dès sa naissance, est également soigné, nourri, allaité par d’autres ; mais pour que les autres continuent à le soigner et le nourrir, il doit tâcher à son tour de servir les autres, de se rendre aussi utile que possible à tout le monde. Les hommes qui suivent la doctrine du monde désireront toujours se débarrasser d’un individu qui leur est inutile et qui les force, par la violence, à le nourrir ; à la première occasion, non seulement ils cesseront de le nourrir, mais ils le tueront comme un être inutile. Mais