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nécessaires à personne, pas même à eux-mêmes, tandis que les hommes les plus endurcis nourriront et élèveront des ouvriers. On élève les veaux, et l’homme est une bête de travail plus utile que le bœuf, comme on peut s’en rendre compte par les tarifs des marchés d’esclaves. C’est pourquoi les enfants ne peuvent jamais rester sans subsistance.

L’homme n’est pas au monde pour qu’on travaille pour lui ; mais pour travailler lui-même pour les autres. Celui qui travaillera aura sa nourriture.

Ce sont là des vérités prouvées par la vie de l’univers entier.

Jusqu’ici, toujours et partout où l’homme travaillait il recevait sa nourriture, comme n’importe quel cheval qui travaille. Et cette nourriture était assurée à l’ouvrier qui travaillait par contrainte, à contre-cœur, car l’ouvrier ne désirait qu’une chose — se débarrasser du travail, acquérir le plus possible et faire porter le joug à celui qui le lui imposait tout à l’heure. Un semblable ouvrier, envieux, méchant et travaillant à contre-cœur, ne manquait jamais de nourriture et était même plus heureux que celui qui, ne travaillant point, vivait du travail d’autrui. Combien donc serait plus heureux l’ouvrier qui travaillerait selon la doctrine de Christ, dont le but serait de travailler le plus possible et de recevoir le moins possible ? Et combien sa position serait meilleure quand il verrait