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sens il faut renoncer à l’idée devenue habituelle, grâce au dogme de la rédemption, que la félicité de l’homme consiste dans l’oisiveté. Il faut revenir à cette conception, naturelle à tous les hommes non dégénérés, que la condition indispensable du bonheur de l’être humain est le travail et non pas l’oisiveté, que l’homme ne peut s’abstenir de travailler, que c’est ennuyeux, pénible et difficile pour lui de ne pas travailler, comme il est ennuyeux, pénible et difficile à la fourmi, au cheval, à chaque animal, de ne pas travailler. Il faut oublier notre sauvage préjugé que la position d’un homme qui a un revenu fixe, c’est-à-dire qui a une place du gouvernement, ou une propriété foncière, ou des titres de rente avec coupons, qui lui donnent la possibilité de ne rien faire, est une position heureuse et naturelle. Il faut rétablir dans les cerveaux humains la manière d’envisager le travail de tous les hommes non corrompus, qui était celle de Christ quand il disait que celui qui travaille mérite sa nourriture. Christ ne pouvait pas se représenter des hommes pour lesquels le travail semblait une malédiction, et, par conséquent, il ne pouvait pas se représenter un homme ne travaillant pas ou souhaitant ne pas travailler. Il suppose toujours que son disciple travaille. C’est pourquoi il dit : Si l’homme travaille, son travail le nourrit. Et si quelqu’un s’approprie le travail d’un homme, il prend à sa charge la nourriture de l’homme qui