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mettre au jour l’horrible mensonge dans lequel chacun et tous nous vivons.

Génération après génération nous nous efforçons à trouver la sécurité de notre existence dans la violence et de garantir par elle la propriété. Nous croyons voir le bonheur de notre vie dans la puissance, la domination et l’abondance des biens. Nous sommes tellement habitués à cela que la doctrine de Christ, qui enseigne que le bonheur des hommes ne peut pas dépendre du pouvoir et de la fortune et que le riche ne peut pas être heureux, nous semble exiger trop de sacrifices, en vue du bien futur. Christ ne pense même pas à nous demander un sacrifice, au contraire, il nous enseigne à ne pas faire ce qui est le pis mais à faire ce qui est le mieux pour nous, ici-bas, dans cette vie. Christ, par amour des hommes, leur enseigne de renoncer aux garanties basées sur la violence et à la propriété, de même que nous enseignons aux gens du peuple, dans leur propre intérêt, de s’abstenir des querelles et de l’intempérance. Il dit qu’en ne se défendant pas contre la violence, qu’en vivant sans avoir de propriété, les hommes seront plus heureux, et il confirme ses paroles par l’exemple de sa vie. Il dit qu’un homme qui vit selon sa doctrine doit être prêt à mourir à chaque instant, à supporter la violence, la faim et le froid et à ne pas compter sur une seule heure de sa vie. Et cela nous paraît une exigence terrible, une demande de sacri-