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monde ; des milliards d’êtres ont péri victimes de l’existence meurtrière, à cause de la doctrine du monde ; mais je n’ai pas entendu que, de nos jours, il s’en soit rencontré non pas des millions, des milliers, quelques dizaines, mais même un seul qui ait péri d’une mort cruelle, ou qui ait souffert du froid et de la faim à cause de la doctrine de Christ. Non seulement nous ne suivons pas la doctrine de Christ, mais nous ne l’avons jamais prise au sérieux. L’Église s’est chargée de nous expliquer d’une telle façon la doctrine du Christ, qu’elle nous apparaît non pas comme la doctrine de la vie heureuse, mais comme un épouvantail.

Christ appelle les hommes à une source d’eau, qui est là tout près d’eux. Les hommes sont brûlés par la soif, ils mangent de la boue, ils boivent le sang l’un de l’autre, mais leurs docteurs leur ont dit qu’ils périraient s’ils allaient à cette source où les appelle Christ. Et les hommes les croient ; ils se tourmentent et meurent de soif à deux pas de la source sans oser s’en approcher. Il suffit d’avoir foi dans les paroles de Christ, qui dit qu’il a apporté le vrai bien sur la terre, de croire qu’il peut nous donner, à nous qui sommes brûlés par la soif, une source d’eau vive, et d’aller à cette source, pour qu’aussitôt nous apparaissent l’astuce du mensonge de l’Église et l’imbécillité de souffrir quand le salut est si près. Il suffit d’accepter franchement et simplement la doctrine du Christ pour