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avec des plantes d’appartement étiolées, un perroquet, un caniche, un singe, dont toutefois ils ne s’occupent pas eux-mêmes.

Une autre condition indiscutable de bonheur, c’est le travail ; d’abord le travail qu’on aime et qu’on a librement choisi, puis le travail physique qui donne l’appétit et un sommeil profond et calme. Eh bien, sous ce rapport aussi, plus les hommes sont heureux selon la doctrine du monde, plus ils sont privés de cet autre élément de bonheur. Tous les heureux de notre monde, les dignitaires, les riches, sont inoccupés, comme les prisonniers, et luttent vainement contre des maladies provenant du manque de travail physique et, avec moins de succès encore, contre l’ennui qui les poursuit (je dis sans succès parce que le travail n’est un plaisir que s’il est absolument nécessaire ; et eux n’ont besoin de rien) ; ou bien ils font un travail qui leur est odieux, comme les banquiers, les procureurs, les gouverneurs, les ministres et leurs femmes qui organisent des soirées, des raouts et combinent des toilettes pour eux et leurs enfants. (Je dis odieux, parce que je n’ai jamais rencontré, parmi ces gens, quelqu’un qui soit content de son travail et s’en occupe avec une satisfaction au moins égale à celle du portier qui nettoie la neige devant la maison). Tous ces privilégiés de la fortune sont, ou privés de travail ou attachés à un travail qu’ils n’aiment pas, c’est-à-dire qu’ils se trouvent