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m’offrait des règles complètement étrangères à ces vérités. Les règles de l’Église concernant les articles de la foi aux dogmes, aux sacrements, aux carêmes, aux prières, m’étaient inutiles, et je n’y voyais point les règles basées sur les vérités chrétiennes. Bien plus : les règles de l’Église affaiblissaient, parfois anéantissaient, cette disposition chrétienne de mon âme, qui seule donnait un sens à ma vie. Ce qui me troublait le plus, c’est que tous les vilains côtés de l’humanité : l’habitude de se juger les uns les autres, de juger les nations, les religions, et la peine de mort et les guerres qui en sont la conséquence, étaient justifiés par l’Église. La doctrine du Christ qui parle de l’humilité, de la défense de juger, du pardon des offenses, de la résignation, de l’amour, était recommandée par l’Église, en paroles, mais, en même temps, elle approuvait, en fait, ce qui était incompatible avec cette doctrine.

Était-il possible que la doctrine du Christ entraînât fatalement une pareille contradiction ! Je ne pouvais le croire. De plus, je remarquais que les passages de l’Évangile sur lesquels se basaient les règles, les dogmes de l’Église, étaient toujours les moins clairs, alors que les passages d’où découlaient les lois morales étaient les plus clairs et les plus précis. Néanmoins, les dogmes, et les devoirs du chrétien qui en découlent, étaient dictés d’une façon impérieuse par l’Église. Quant à la pratique de la