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chevaux, des vaches, des brebis, en un mot tout ce qu’il faut pour une vie d’abondance. Les hommes, de différents côtés, viennent dans cette ferme et commencent à profiter de tout ce qui s’y trouve, mais chacun pour soi, sans penser à rien laisser ni pour ceux qui sont présents ni pour ceux qui pourront venir plus tard. Chacun veut tout accaparer ; chacun s’empresse de jouir de ce qu’il peut saisir. Alors commence la destruction de tout, la lutte pour la possession des choses : les vaches à traire, les moutons couverts de toison sont abattus pour la boucherie ; les chariots, les établis sont convertis en bois de chauffage ; on se bat pour le lait, pour le grain ; on renverse, on gaspille plutôt qu’on ne consomme. Personne ne mange tranquillement ; on est sans cesse sur le qui-vive, à la merci du plus fort.

Tous ces gens, harassés, battus, affamés, quittent la ferme. Le maître reprend possession de la ferme et l’installe de façon que les hommes y puissent vivre tranquillement. La ferme est de nouveau pleine de vivres. De nouveau les passants s’y rendent, et ce sont les mêmes rixes, le même tumulte : tout est mis au pillage, et de nouveau ces gens harassés, battus et irrités s’en vont pleins de haine en maudissant le maître qui a mal organisé les choses. De nouveau le maître arrange la ferme et de nouveau les mêmes désordres se reproduisent. Enfin, parmi les hôtes de la ferme se