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Et tout à coup nous déclarons, en vertu du dogme de la rédemption, qu’il est complètement superflu de penser à cette lumière qui est en l’homme, et d’en parler. Songeons, disent les croyants, à la Trinité, aux sacrements, car le salut des hommes dépend non de leurs efforts, mais de la Trinité et de l’accomplissement régulier des sacrements. Songeons, disent les non-croyants, d’après quelles lois l’infiniment petite parcelle de la matière accomplit son évolution dans l’espace et le temps infinis ; mais il est superflu de penser aux exigences de la raison humaine au sujet du vrai bien, parce que l’état de l’homme ne s’améliore pas par lui-même, mais par des lois générales que nous découvrirons.

Je suis persuadé que dans quelques siècles, l’histoire de ce qu’on appelle l’activité scientifique de nos fameux siècles de la civilisation européenne sera un sujet fécond d’hilarité et de pitié pour les générations futures. Pendant plusieurs siècles, les savants d’une partie occidentale du grand continent se trouvaient dans un état de folie épidémique, s’imaginant être les possesseurs d’une vie éternelle de béatitude, et ils s’occupaient de diverses élucubrations ayant pour but de préciser comment, d’après quelles lois, cette vie se réalisera pour eux, sans effort de leur part. Et ce qui paraîtra encore plus touchant à l’historien futur, c’est qu’il trouvera que ces hommes avaient eu un