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plus besoin de s’éclairer dans la vie par la raison ni de choisir ce qui est préférable pour lui. Il lui suffit de croire que Christ l’a racheté du péché, et le voilà infaillible et parfait. D’après cette doctrine, les hommes doivent se persuader que leur raison est impuissante et que, précisément à cause de cela, ils sont infaillibles.

Le vrai croyant doit être convaincu que, depuis Christ, la terre produit sans travail, que les enfants naissent sans souffrances, que les maladies n’existent plus, ni la mort, ni le péché ; en un mot, il doit croire que ce qui n’est pas est et que ce qui est n’est pas.

Telle est la doctrine de la religion chrétienne dogmatique.

Cette doctrine paraît inoffensive. Mais l’erreur n’est jamais inoffensive — et ses conséquences sont d’autant plus graves qu’il s’agit d’une chose plus importante. Or il s’agit ici de toute la vie de l’homme.

La vraie vie, d’après cette doctrine, c’est la vie bienheureuse, sans péché et éternelle, c’est-à-dire une vie chimérique. Mais la vie que nous connaissons, dont nous vivons, est, d’après cette doctrine, une vie déchue, mauvaise, une simple illusion.

La lutte entre les instincts de la vie animale et de la vie raisonnable telle qu’elle se présente pour chacun de nous, et qui est l’essence de la vie de l’homme, disparaît avec cette doctrine. Cette lutte,