Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’acte le plus honteux, mais encore celui qui prive l’homme du vrai bonheur ; que les vraies joies de la vie sont celles qui n’ont pas besoin d’être garanties par la force ; que la plus grande considération appartient non pas à celui qui amasse le plus de richesses pour lui-même au détriment des autres et a le plus de serviteurs, mais à celui qui sert le plus les autres et qui donne le plus aux autres. Au lieu de considérer comme bon et légal de prêter serment et de mettre ce que nous avons de plus précieux, c’est-à-dire notre vie, à la disposition de n’importe qui, je me figurais qu’on nous enseignait que la volonté éclairée de l’homme est la chose la plus sainte, que l’homme ne peut la mettre à la disposition de personne, et que promettre par serment quoi que ce soit, c’est renoncer à son être raisonnable et outrager ce que nous possédons de plus sacré. Je me figurais qu’au lieu de ces haines nationales qu’on nous inspire sous forme de l’amour de la patrie, au lieu de cette glorification du meurtre — la guerre, qu’on nous représente dès l’enfance comme l’acte le plus noble, on nous enseignait au contraire la terreur et le mépris de toutes ces choses d’État, militaires et diplomatiques, qui servent à diviser les hommes ; qu’on nous apprenait à considérer comme un signe de barbarie la division des hommes en États politiques, la diversité des codes et des frontières ; que faire la guerre, c’est-à-dire massa-