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QUELLE EST MA FOI ?
(1884)




J’ai vécu cinquante-cinq ans, et, à l’exception des quatorze ou quinze années de mon enfance, pendant trente-cinq années de ma vie j’ai été nihiliste au sens littéral du mot, c’est-à-dire que je n’étais ni socialiste, ni révolutionnaire, ce qu’on entend ordinairement par ce mot ; le nihilisme signifiait pour moi l’absence de toute religion.

Il y a cinq ans, je crus à la doctrine du Christ et, subitement, toute ma vie changea : je cessai de désirer ce que je désirais auparavant et je me mis à désirer ce que je n’avais pas désiré jusque-là. Ce qui, auparavant, me paraissait bon, me parut mauvais, et ce qui me paraissait mauvais, me parut bon. Il m’advint ce qui arrive à un homme qui, tout à coup, décidant que l’affaire pour laquelle il a quitté sa demeure n’en vaut pas la peine, retourne chez lui. Tout ce qui était à sa droite se trouve alors à sa gauche, et tout ce qui était à sa gauche se trouve à sa droite ; le désir primitif de s’éloigner de sa maison se change en désir de s’en