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la même définition du mot prochain. D’après la conception d’un Juif légiste, qui demande : qui est mon prochain ? le Samaritain ne pouvait être le prochain. La même définition du prochain se trouve dans les Actes (vii, 27). Prochain, dans le langage évangélique, veut dire compatriote, homme de la même nationalité. C’est pourquoi, en supposant que l’antithèse dont Christ se sert dans ce passage en citant les paroles de la loi : Vous avez entendu : Vous aimerez votre prochain et haïrez votre ennemi, consiste dans l’opposition des mots compatriote et étranger, je me demande ce qu’est un ennemi d’après les idées juives, et je trouve la confirmation de ma supposition. Le mot « ennemi » s’emploie dans les Évangiles presque toujours dans le sens non pas d’ennemi personnel, mais d’ennemi du peuple (Luc, i, 71-74 ; Matth., xxii, 44 ; Marc, xii, 36 ; Luc, xx, 43 et suivants). Le singulier, auquel est employé le mot « ennemi », dans ce verset : Vous haïrez votre ennemi — m’incite à penser qu’il s’agit ici de peuple ennemi. Le singulier signifie qu’il est question de la totalité du peuple ennemi. Dans l’Ancien Testament, la conception de peuple ennemi s’exprime toujours par le singulier.

Aussitôt que j’eus compris cela, aussitôt s’évanouit la difficulté : pourquoi et comment Christ, qui citait chaque fois les paroles authentiques de la loi, ici, tout d’un coup, cite-t-il des pa-