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devait se reproduire ici. Les derniers mots, répétés par Luc, qui disent que Dieu ne fait pas de différence entre les hommes, prodiguant ses dons à tous, et que, nous aussi, nous devons être comme Dieu, — ne pas faire de différence entre les hommes, ne pas faire comme les païens, mais aimer chacun et faire le bien à tous également, — ces mots étaient clairs ; j’y voyais une confirmation, une explication de quelque règle très claire, mais de longtemps je ne pus comprendre quelle était cette règle.

Aimer ses ennemis ? C’était quelque chose d’impossible. C’était une de ces phrases sublimes dans lesquelles on ne peut voir que l’expression d’un idéal moral inaccessible. C’était trop ou rien. On peut ne pas nuire à son ennemi, mais l’aimer c’est impossible. Or Christ n’a pu prescrire l’impossible. En outre, dans les tout premiers mots de la référence à la loi ancienne : « Vous avez entendu : vous haïrez votre ennemi », il y avait quelque chose de douteux. Dans les passages antérieurs, Christ cite les paroles textuelles de la loi de Moïse ; ici, il cite des mots qui n’ont jamais été dits. On dirait qu’il calomnie la loi.

Cette fois, comme pour mes doutes antérieurs, les commentaires ne purent rien m’expliquer. Dans tous les commentaires, on reconnaît que les mots : « Vous avez entendu : Vous haïrez votre ennemi », ne se trouvent pas dans la loi de Moïse, mais nulle part on ne donne l’explication de ce passage