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dire qu’il avait juré sur l’Évangile. C’est la réponse que m’ont faite tous les militaires. Ce serment est jusqu’à tel point indispensable pour l’existence de ce terrible fléau que produisent les violences et la guerre qu’en France, où l’on nie le christianisme, le serment est cependant en vigueur. Si Christ n’avait pas dit de ne prêter serment à personne, il aurait dû l’avoir dit. Il est venu supprimer le mal, et s’il n’avait pas supprimé le serment quel terrible mal il aurait laissé dans le monde. On dira peut-être qu’à l’époque de Christ ce mal passait inaperçu. Mais cela n’est pas vrai : Épictète, Sénèque déclarent qu’il ne faut prêter serment à personne ; cette règle est inscrite dans les lois de Manou. Pourquoi donc dirai-je que Christ n’a pas vu ce mal quand il l’a exposé clairement, nettement, et en détail.

Il a dit : Ne jurez point du tout. Cette expression est aussi simple, claire et absolue que cette parole : ne jurez point et ne condamnez point ; elle n’a pas davantage besoin de commentaires, d’autant plus qu’à la fin, il est ajouté : tout ce qu’on exigera de toi, de plus que oui ou non, tout cela vient du Malin.

Si la doctrine du Christ consiste à observer toujours la volonté de Dieu, comment l’homme pourrait-il jurer d’observer la volonté d’un autre homme ou de plusieurs ? La volonté de Dieu ne peut pas coïncider avec la volonté humaine. C’est