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fices, c’est-à-dire, je veux l’amour des hommes entre eux. Par conséquent, si tu veux être agréable à Dieu, avant de prier, matin et soir, à la messe ou aux vêpres, interroge ta conscience, et, si quelqu’un est en colère contre toi, va et fais en sorte qu’il ne le soit plus ; alors seulement, après cela, prie si tu veux. Mais alors : « en pensée » ? Je sentais que l’interprétation qui détruisait pour moi le sens vrai et direct provenait des mots : « sans cause ». Si on pouvait les supprimer, le sens devenait limpide ; mais tous les commentateurs étaient unanimes contre mon interprétation, et surtout j’avais contre moi l’Évangile canonique qui renferme les mots « sans cause ». Que je m’écarte du texte de ce passage, me disais-je, je pourrai m’en écarter ailleurs arbitrairement ; d’autres pourront en faire autant. Tout est dans cette expression. Sans ces mots, tout serait clair. Et j’ai essayé de trouver une explication philologique aux mots « sans cause », de façon qu’ils ne détruisent pas le sens de tout le passage. Je consulte le dictionnaire, le dictionnaire ordinaire, et je vois que le mot grec εἰϰῆ veut dire : sans but, inconsidérément. J’essaye alors de lui donner une signification qui ne détruise pas le sens, mais l’adjonction de ce terme a évidemment le sens qui lui est attribué. Je prends un autre dictionnaire — la signification du mot est encore la même. Je consulte les concordances — ces mots ne se rencontrent dans l’Évangile qu’une