Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol22.djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aurait là rien qui dût nous surprendre. Nous pensons même qu’avec le texte vulgaire qui dit : le pain que je donnerai, c’est ma chair que je donnerai pour la vie du monde, l’allusion à la mort serait trop directe pour pouvoir être contestée. Mais ce second : que je donnerai, manque dans d’anciens témoins et pourrait bien avoir été ajouté pour compléter une phrase en apparence défectueuse. Or le reste donne un sens parfait sans cette allusion spéciale, qui est étrangère à tout le discours. Nous avons déjà dit que chair et sang ne disent pas plus ici que chair tout court ; cette dernière locution n’est jamais employée pour parler de la mort de Christ ; le futur du verset 51e (le pain que je donnerai) ne se rapporte pas à l’événement unique de sa mort, mais à la communion de foi qui se reproduira pour chaque individu en son temps. Les phrases : manger la chair du Fils, me manger, manger ce pain, sont évidemment synonymes et signifient : demeurer en lui, et le faire demeurer en soi, c’est-à-dire croire, et avoir ainsi la vie en soi, une vie désormais permanente, qui implique la résurrection. Dans tout cela il n’y a pas un mot de la mort de Christ. Et s’il était vrai que le sang doit être spécialement rapporté à cette mort, il s’en suivrait que les phrases des versets 57 et 58 seraient incomplètes et insuffisantes.

Ce raisonnement est juste dans son analyse de la doctrine de l’Église, mais il est erroné sous le rapport qu’il traduit : Je donnerai pour la vie du monde. Cette traduction ne peut avoir de sens, d’autant plus qu’elle attribue à ces mots la signification de rédemption ; autrement dit, elle admet que Jésus prononce des paroles dénuées de sens.


Ἐμάχοντο οὖν πρὸς ἀλλήλους οἱ Ἰουδαῖοι, λέγοντες, Πῶς δύναται οὖτος ἡμῖν δοῦναι τῇν σάρϰα φαγεῖν.