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Le pain c’est ma chair, etc. Voilà le supplément essentiel au discours précédent sur le pain. Le Seigneur résout tout d’un coup son discours énigmatique par ce trait qui frappe ses auditeurs.

Jusqu’ici, sous l’image du pain, il parlait, en général de sa personne comme objet de la foi, tandis que maintenant il dit clairement et nettement : le pain dont je parle, c’est ma chair. « Il est clair qu’il parle ici de la mystérieuse hostie de son corps » (Theophilacte). La chair c’est la même chose que le corps, le sens corporel de Dieu-homme, mot qu’il faut comprendre ici dans son sens littéral, puisqu’il n’y a aucune raison de le comprendre au figuré. Le mot pain, dans tout le discours, a évidemment un sens figuré, et signifie ici, en général, la personne du Christ, et par le mot chair, on lui donne précisément un sens défini, concret. De même que le mot manne définit dans un sens général le pain qui, dans l’antiquité, avait nourri les Juifs dans le désert, de même le mot chair définit le sens général de pain. Ensuite il est évident que le pain que nous prenons dans le sacrement de l’Eucharistie n’est pas l’image du corps du Seigneur mais la chair même du Seigneur. Car il n’a pas dit : Le pain que je vous ai donné, c’est l’image de ma chair ; il a dit : C est ma chair que j’ai donnée pour la vie du monde. C’est la parole imagée sur le sacrifice de la croix. La chair du Seigneur est apportée comme le vrai sacrifice à Dieu pour le rachat des péchés du genre humain. Puisque le sacrifice du Golgotha est encore dans l’avenir, Dieu parle de lui au futur.

Je le donnerai pour la vie du monde, c’est-à-dire pour que le monde soit vivant spirituellement, réconcilié avec Dieu par ce sacrifice. Le moyen pour atteindre cette vie, c’est la foi en la mort expiatrice du messie Dieu-homme. En raison de cette foi tous recevraient cette vie si tous croyaient, puisque le sacrifice expiatoire est apporté par Christ pour tous, pour tout l’univers, pour la vie de tous ceux qui étaient jusqu’alors éloignés de