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une autre question, plus intéressante au point de vue théologique, et, en même temps, plus difficile à résoudre.

Quel est ce moment suprême de l’épreuve décisive dont Jésus a voulu faire ressortir l’importance, ce moment à la fois certain et incertain, inévitable et attendu ? Nos évangélistes ont positivement songé à la parousie du Christ, à son retour triomphant pour l’établissement de son royaume, et l’Église l’a toujours compris ainsi. La phrase qui termine notre texte : Le Fils de l’homme viendra à l’heure où vous n’y penserez pas, ne laisse aucun doute à cet égard. Nous trouverons encore plus d’un passage qui confirme cette interprétation et qui fera voir clairement que Jésus a dû, dans de pareilles circonstances, se servir de termes qui l’autorisaient assez directement. Néanmoins, ses paroles sont susceptibles d’être appliquées d’une manière plus immédiatement pratique, plus indéfiniment solitaire encore. Si nous nous bornions au premier sens, elles auraient perdu à peu près toute leur force aujourd’hui que la perspective d’une fin prochaine du monde actuel, telle que la conservait la théologie judéo-chrétienne, ne captive plus guère les esprits ; tandis qu’elles subsistent, aussi sérieuses, aussi pressantes qu’au premier jour, si nous les supposons adressées, non à l’humanité considérée comme un seul tout et attendant sa destinée collectivement, mais à chaque homme individuellement, en vue de sa fin particulière et du moment où il sera appelé à rendre compte, pour sa part personnelle, de l’usage qu’il a fait de son existence sur la terre, de ses moyens d’agir, et des instructions reçues. Nous ne craignons pas d’affirmer que ce point de vue peut être revendiqué à l’égard de la plupart des textes en question sans qu’il leur soit fait violence, et il resterait seulement à examiner si l’autre élément, celui que nous avons signalé d’abord, a été introduit par suite d’une méprise des auditions et de la tradition, ou s’il doit être considéré comme une partie intégrante