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gnement du maître, gagnaient en force et en vivacité à mesure que les convictions relatives à sa personne et à sa dignité messianique devenaient plus énergiques. D’un autre côté, Jésus, alors même qu’il tâchait d’élever ses disciples à des points de vue plus spiritualistes, ne jugeait pas nécessaire d’éviter absolument les formes populaires, les images familières au commun de ses auditeurs. On sera donc autorisé à admettre que son enseignement en tant qu’il avait en vue l’avenir comprenait : 1o la prédiction positive d’une catastrophe nationale, terrible et définitive ; 2o la perspective des destinées de l’Évangile, représentées comme une manifestation permanente, sensible, visible même de son esprit et de sa puissance ; et 3o les conseils pratiques à donner à chacun individuellement au sujet de ses rapports avec le royaume à venir, conseils d’autant plus pressants que ces rapports pouvaient dépendre de la durée très incertaine de l’existence actuelle de chacun.

Ne partageant point l’opinion de Reuss, pour qui la personne de Jésus présente de l’intérêt, je ne puis également croire, avec lui, que Jésus ait voulu prédire quelque chose. Qu’il ait voulu ou non prédire quelque chose, pour nous, chrétiens, c’est absolument indifférent. L’important pour nous est ce qu’il enseignait. Et il enseignait, comme dit Reuss avec beaucoup de justesse, que le jour du salut du fils de l’homme vient pour chacun, comme il est venu pour Noé. Il ne peut exister le moindre doute que Jésus parlait tout simplement de la mort de chaque homme, événement indiscutablement plus important pour l’humanité que la chute du feu du ciel. Le fait que dans tous les évan-