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martyre sur la croix, et toutes ses souffrances terminées, quand personne ne pourrait déjà plus faire d’obstacle à sa religion et lui nuire, l’idée juste sur lui se gravât profondément et nettement dans l’esprit de ses auditeurs. Mais tant que sa puissance n’était pas démontrée d’une façon éclatante, il voulait que les apôtres se missent à la propager ; que la vérité évidente de leurs paroles et la force des événements confirmassent leur prédication. Car il est à remarquer d’une part que tantôt il fait des miracles en Palestine, tantôt subit des persécutions, et, d’autre part, que tout l’univers l’adore et croit en lui ; et qu’il ne supporte déjà plus une seule des souffrances qu’il supportait. C’est pourquoi il a ordonné de ne rien dire à personne.

Si ceux qui ont vu plusieurs miracles et entendu tant de merveilles étaient séduits au bruit seul des souffrances, et non seulement les autres apôtres, mais même le premier d’entre eux, Pierre, alors on peut s’imaginer comment était séduit le peuple qui savait que Jésus-Christ était le Fils de Dieu, et le vit ensuite crucifié et bafoué ?… C’est donc tout à fait justement qu’il interdit de rien dire au peuple avant la croix.

Voici ce que dit Reuss (p. 395) :

La réponse de Simon, diversement formulée dans les trois textes, mais revenant partout au même sens, est la preuve que même, sous la déclaration positive de Jésus, il s’était formé dans l’esprit des disciples, spectateurs journaliers des miracles de leur maître et auditeurs permanents de son enseignement, la conviction arrêtée qu’il était le Christ, l’Oint de Dieu, le Messie promis, le Fils de Dieu, formules partout identiques pour le sens et qui ne disent rien sur la nature de la personne, mais qui expriment la notion de la dignité de l’envoyé. « Tu es celui que les prophètes ont annoncé, que le peuple attend, qui doit fonder le royaume de Dieu et restaurer Israël. » La spiritualité