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songe et qui le sait. Il dit que cette huile est répandue en vain. Mais voilà que nous, à qui est annoncé le vrai bien, grâce à l’acte stupide de cette femme, nous comprenons le sens de l’Évangile. Il est facile de condamner non seulement cet acte, mais n’importe quel acte d’amour et de commisération. On peut toujours faire quelque chose d’utile ; mais chaque acte d’amour et de commisération provoque, non en Judas, mais dans le fils de Dieu, le désir de l’imiter, de faire la même chose ou davantage. Ce n’est qu’en Judas que cet acte provoque un raisonnement sur l’utilité.

L’évangéliste Jean a expliqué la signification du raisonnement de Judas : « Il le dit, non qu’il se souciât des malheureux, mais parce qu’il était larron et portait avec lui le tronc des pauvres. »

On ne comprend pas qu’après des paroles si simples, si claires, si justes, des institutions de bienfaisance puissent exister dans la société chrétienne. Ces institutions sont basées tout simplement sur le raisonnement de Judas et contredisent absolument les paroles du Christ : « Des mendiants vous en avez toujours près de vous. » Et les explications de Jean le Théologien tendent à établir l’importance des hommes qui introduisent de pareilles institutions, alors qu’ils le font non par souci des malheureux, mais parce qu’ils portent la cassette et sont des voleurs. Par malheur les larrons (même au sens propre du mot) se trouvent