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Jésus serait celle-ci : Ne faites pas de reproches à cette femme de n’avoir pas donné aux mendiants que vous ne voyez pas et de m’avoir donné. Il y a toujours devant vous des mendiants. Celui que vous plaignez est un mendiant. Je suis mendiant et elle a eu pitié de moi, et elle a bien fait.

Mais les paroles : et moi je ne serai pas toujours avec vous, et le verset suivant où il est question de sépulture, sont regardés comme une allusion à sa mort.

Selon moi, Jésus, répondant au raisonnement de Judas sur l’utilité, dit : Dans un acte bon il n’est pas question d’utilité, et l’on peut interpréter chaque acte de telle façon qu’il soit à volonté utile ou inutile. On ne peut faire d’acte plus insensé que celui de cette femme, mais même dans cet acte on peut trouver le côté utile.

Elle a couvert mon corps d’huile. Vous dites que c’est en vain. Qu’en savez-vous ? Peut-être mourrai-je à l’instant, et il en résultera qu’elle aura très bien fait : elle aura préparé mon corps pour la sépulture.

Jésus est recouvert d’huile, comme les cadavres préparés pour la sépulture, et il exprime en plaisantant sa pensée : que l’homme ne peut savoir ce qui est utile et ce qui ne l’est pas.