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pourquoi nous avons hardiment mis dans notre traduction, à la place du terme impossible d’injuste, et du terme insuffisant de trompeur, le mot mauvais, et si l’on veut passer en revue tous les passages de l’Évangile où Jésus parle de l’argent, on verra que nous n’avons pas eu tort. La parabole de l’économe prouvait une fois de plus que l’argent peut être une cause de péché. Et comme malheureusement il exerce sur l’homme une puissance d’attraction telle que celui-ci y résiste bien difficilement, Jésus était autorisé à le qualifier comme il le fait, lors même que nous ne voudrions pas faire valoir ici sa coutume d’employer partout les termes les plus absolus, quand il s’agit de juger soit les hommes, soit les choses.

D’après cela nous ramènerons sa pensée à cette thèse, que personne ne contestera : l’argent est un mal, tant qu’il est un but : il peut devenir un bien, quand il est employé comme moyen pour arriver à un but élevé et salutaire. Ce résultat sera confirmé par les maximes que Luc ajoute après la parabole.

3o Maximes détachées (v. 10-13). Nous ne tenons pas trop à cette désignation. Si l’on insistait pour les faire regarder comme partie intégrante de la morale de la fable, nous ne ferions pas opposition. En tout cas, Luc a été très bien inspiré en les plaçant ici. Seulement le passage parallèle de Matthieu ferait voir que, avec les moyens fournis par la tradition, ce n’était pas la seule combinaison possible.

Ces maximes sont, quand on y regarde bien, au nombre de deux : l’une (v. 13) que nous avons déjà rencontrée ailleurs ne nous arrêtera pas ici ; l’autre reproduit une seule et même pensée sous trois formes différentes (v. 10, 11, 12) : celle-ci, en effet, est dans un rapport plus intime avec la parabole. Le disciple de Christ est aussi une espèce d’économe, l’administrateur d’un bien qui ne lui appartient pas en propre, qu’il doit faire valoir dans l’intérêt de son maître (comp. de la parabole des talents). Or, la qualité essentielle, unique