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sans doute la tromperie) ; aidez de votre richesse le prochain, et les pauvres prépareront pour vous les demeures éternelles, de même que les amis ont préparé chez eux une demeure temporaire au gérant infidèle.

Par la richesse injuste, autrement dit par Mammon, Mammon étant la même chose que la richesse. La richesse est appelée injuste dans le même sens que le gérant, précédemment, est appelé infidèle et que, plus loin, elle est opposée à la vraie richesse ; c’est-à-dire dans le sens d’infidélité. La richesse engendre les tentations, les prétextes et les moyens d’agir malhonnêtement et injustement, comme le montre l’exemple du gérant, et, en ce sens, elle est infidèle, comme génératrice de l’action infidèle, tortueuse et injuste. D’autre part elle est infidèle aussi parce qu’elle est mensongère, trompeuse, passagère, par opposition avec la richesse vraie, spirituelle, la richesse de la vertu, la richesse éternelle. Par cette richesse infidèle on peut cependant, en l’employant bien, s’acquérir des amis pauvres, mendiants, qui ont besoin d’aide et de secours sur cette terre, mais qui peuvent nous fournir les demeures éternelles dans le ciel, car un tel emploi de la richesse est une vertu pour laquelle on aura en récompense le royaume du ciel.

L’interprétation de Reuss[1] est bien supérieure ; elle serait même tout à fait juste si son désir n’était d’interpréter faussement l’essentiel de la doctrine évangélique : que la propriété est incompatible avec le royaume de Dieu.

Cet homme administrait mal ; les intérêts de son patron souffraient entre ses mains, il détournait l’argent à son profit, ou ne le faisait pas valoir. Le maître

  1. Reuss, Interprétations des Évangiles, p. 496-501.