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Cette appréciation est en tout cas nécessaire dans la vie, surtout la vie sociale ; c’est la condamnation des actes de son prochain, non par le tribunal légal, qui est nécessaire dans chaque société, mais la condamnation personnelle dans les rapports privés, dans quels cas la condamnation provient, pour la plupart, de motifs ambitieux et impurs, d’orgueil, etc. Les raisonnements sur la qualité de tel ou tel acte du prochain, même une action provoquée par tel jugement est permise si elle est basée sur la vraie compréhension et sur le zèle et sur la gloire de Dieu. Christ lui-même et les apôtres et tous leurs vrais partisans blâmaient toujours les actions contraires à la foi et à la piété et prenaient certaines mesures contre tout ce qui, à leur avis, était mauvais. Dieu parle non d’un jugement pareil, mais d’un jugement injuste, égoïste, exprimé sans nécessité, par des motifs personnels, et surtout par les hommes qui sont eux-mêmes plus vicieux que ceux qu’ils jugent si sévèrement. Probablement que Dieu avait en vue les pharisiens orgueilleux de leur soi-disant pureté dans la conduite extérieure, jugeant sévèrement les actions d’autrui, sans en connaître ni les circonstances ni les motifs, et ne tâchant pas de se corriger eux-mêmes. Dieu a dit cela non pour que nous agissions ou faisions quelque chose sans jugement, mais ayant en vue les pharisiens qui jugeaient les autres mais ne se corrigeaient pas.

Voici l’opinion de l’Église catholique[1] :

(vii, 1-5). Ces maximes se rattachent de plus près à ce qui a déjà été dit plus haut, chap. v, 25 ; vi, 12,14, 15. Car il est impossible de méconnaître que c’est le jugement de Dieu qui est ici mis en parallèle avec celui des hommes et qu’il ne s’agit pas de la réciprocité entre ceux-ci. En apparence il y a là une conception anthropopathique du jugement de Dieu, en ce qu’il est

  1. Reuss, p. 228.