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ment survenu dans ses idées, ou une contradiction flagrante dans les traductions relatives à son enseignement, on se trouve donc dans une grande perplexité en face des versets 18 et 19 de notre texte, et beaucoup d’interprètes n’ont cru pouvoir se tirer d’embarras qu’en accusant les judéo-chrétiens d’avoir coloré à leur gré les paroles du Maître, si tant est qu’ils ne l’aient pas fait parler tout à fait gratuitement dans leur sens. D’autres encore, fermant les yeux sur tout le reste, se sont arrêtés à ces déclarations pour en conclure que Jésus ne s’est point élevé, pour sa part, au-dessus du niveau de la conception de ses disciples Galiléens. Nous ne parlons pas d’une troisième supposition, absolument inadmissible, qui consiste à dire que Jésus n’a eu en vue ici que la loi morale.

Ces suppositions sont infirmées d’un côté déjà par le fait que Luc, l’évangéliste dit paulinien et universaliste, reproduit la même assertion, de l’autre par celui que notre texte même contient des éléments très caractéristiques dans le sens évangélique et anti-légal. Il ne peut donc être question ni de rejeter les déclarations des versets 18 et 19, comme purement et simplement inauthentiques, ni de les accepter dans un sens qui serait absolument incompatible avec ce dernier point de vue.

Tout cela est tout à fait juste, sauf la dernière conclusion, superficielle et injustifiée : qu’il est inadmissible que Jésus n’ait eu en vue que la loi morale. Cette négation est même étonnante. La mention du texte de Luc, rappelant que Luc rejette toutes les explications supposées, est plus étonnante encore. Une telle négation, non justifiée, du sens unique, clair et simple de ce verset, serait absolument inexplicable, si l’on ne voyait que dès le commencement même, le sens de tout ce passage n’est