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l’entraîner, loin de servir son vrai but, lui ferait manquer sa vocation, et renier son Dieu par une idolâtrie aussi méprisable que blasphématoire.

Reuss, ainsi que l’Église, suppose que l’auteur se représente le personnage réel de Satan ; mais pourquoi cette supposition ? il ne l’explique pas, et c’est précisément dans cette supposition que réside toute l’erreur. Le sens de tout le chapitre non seulement n’indique pas que l’auteur fasse de Satan un personnage réel, mais c’est tout le contraire.

Si l’auteur se représentait un personnage, il dirait au moins quelque chose de lui, de son aspect, de ses actes. Ici, au contraire, pas un mot du personnage lui-même. On détaillerait la figure du tentateur juste autant qu’il serait nécessaire pour préciser les pensées et les sentiments du Christ. On ne dit pas comment il s’approchait de lui : ni comment Christ le supportait, ni comment il disparut ; il n’y a rien de cela. On parle seulement de Jésus-Christ, de cet ennemi qui est en chaque homme, de ce principe de lutte sans lequel l’homme vivant n’est pas compréhensible.

Il est évident que l’auteur veut, avec des moyens très simples, faire parler Jésus-Christ. Mais il est seul ; l’auteur fait parler le Christ avec lui-même ; et l’interlocuteur supposé, il le nomme tantôt diable, c’est-à-dire le menteur, tantôt le tentateur.

Suivant l’Église, qui le dit nettement, il ne faut