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jurer que c’est la chair et le sang, et je dois le faire. Mais c’est affreux !

Ce serait affreux, si c’était possible. Mais en réalité cela n’est pas. Non qu’ils aient faibli dans leurs exigences, ils crient toujours de la même façon anathème ! ou longue vie, pour qui on l’ordonne, mais en réalité, depuis longtemps, personne ne les écoute. Nous, les hommes expérimentés et instruits (je me rappelle les trente années que j’ai vécu en dehors de la religion), nous ne les méprisons même pas, nous ne faisons même pas attention à eux. Nous n’avons même pas la curiosité de savoir ce qu’ils font, disent et écrivent. Le prêtre vient, on donne cinquante kopeks. L’Église est construite pour la vanité : dire des prières, faire venir l’archevêque aux longs cheveux, lui donner cent roubles. Le peuple fait encore moins attention à eux.

Pendant le carnaval il faut manger des crêpes, la semaine de la Passion, communier. Mais si une question morale se pose à nous, nous nous adressons à des penseurs, à des savants, à des hommes intelligents, aux livres ou aux ouvrages des saints, et non pas aux prêtres. Tant qu’aux hommes du peuple, dès que le sentiment religieux s’éveille en eux ils vont aux sectes : Stundistes, Molaklanes, etc. De sorte que depuis longtemps déjà les prêtres n’existent plus que pour eux-mêmes, pour les faibles d’esprit, les coquins et les femmes.