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êtres moraux, Dieu maintient leur existence et leurs forces, et alors Il ne restreint certainement pas leur liberté ; cela est évident. En leur prêtant concours dans le bien Il ne la restreint pas davantage, car ce sont eux qui restent les agents, c’est-à-dire qui choisissent ou exécutent tel ou tel acte ; et Dieu ne fait que coopérer avec eux ou les assister. En leur laissant faire le mal Il restreint moins encore leur liberté ; seulement Il ne lui accorde point assistance et la laisse agir selon sa volonté propre. Enfin, en gouvernant les êtres moraux la divine Providence les dirige vers le but de leur création ; or, l’usage légitime de leur liberté, c’est précisément de les faire tendre au but final de leur existence (p. 647).

Qu’est-ce que cela signifie ? Il est dit qu’elle les laisse faire. Alors comment se fait-il qu’elle « les dirige vers le but de leur création » tandis que ce but, comme il est dit auparavant, est leur bonheur.

Par conséquent le gouvernement divin ne restreint point non plus la liberté morale ; il ne fait que lui prêter secours dans sa tendance vers le but proposé.

3o Nous savons par expérience que nous-mêmes, fort souvent, par nos paroles, nos mouvements et différents autres moyens, nous pouvons disposer nos proches à telle ou telle action, que nous pouvons les gouverner sans pour cela porter atteinte à leur liberté ; à combien plus forte raison l’Être infiniment sage et puissant n’est-il pas capable de trouver les moyens de gouverner les êtres moraux sans que leur liberté ait le moins du monde à en souffrir ? (pp. 647, 648).

Ce chapitre tout entier a cela de remarquable que, sans but évident, il soulève de nouveau la question de la chute d’Adam, la transportant du domaine de l’histoire dans celui de la réalité. La