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matériel, cependant n’y touche point. Pourquoi ? Parce que je suis Maître et Seigneur, et que toi tu n’es que serviteur : voilà toute la raison. Si tu trouves que c’est peu, cela veut dire que tu ne veux pas être serviteur. Mais que peut-il y avoir pour toi de plus avantageux que d’être sous la domination du Seigneur ? et comment seras-tu sous la domination du Seigneur si tu ne restes pas soumis à son commandement » (p. 577-579).

L’Église comprend ainsi et ordonne de comprendre ainsi. Le fait que l’arbre est appelé arbre de la science du bien et du mal ; que le serpent dit à la femme : tu connaîtras le bien et le mal ; que Dieu lui-même dit (Gen., v, 22) qu’ayant mangé le fruit de l’arbre « Adam est devenu comme un de nous, connaissant le bien et le mal », tout cela, nous devons l’oublier. Cette parabole profonde du livre de la Genèse, nous devons l’envisager de la façon la plus fausse et la plus stupide, et tout cela, non pour expliquer quelque chose de cette parabole, mais pour qu’elle n’ait plus aucun sens, et qu’il n’en reste que cette contradiction évidente et grossière : que Dieu a fait tout cela pour atteindre un certain but, et en a atteint un tout autre.

§ 87. — Félicité du premier homme. Selon la doctrine de l’Église, le premier homme vécut dans un jardin et connut la félicité.

Et il n’est pas douteux que cette félicité des premiers hommes, loin de diminuer avec le temps, ne se fût accrue en proportion de leur perfectionnement, s’ils avaient su garder le commandement que le Seigneur leur avait donné dans le principe. Malheureusement