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— Jouons encore un roi, — dit Volodia en secouant l’épaule comme papa et en battant les cartes.

— Voilà comme il y tient ! — fit Doubkov, — Nous jouerons après, mais pourtant un roi ; allons.

Pendant qu’ils jouaient, j’observais leurs mains. Celles de Volodia étaient longues et jolies ; en tenant les cartes, il écartait le pouce et pliait les autres doigts tout à fait comme papa, si bien qu’il me sembla pour un moment que Volodia tenait exprès ses cartes de cette façon pour ressembler à une grande personne. Mais en observant son visage, on voyait qu’il ne pensait à rien, sauf au jeu. Les mains de Doubkov, au contraire, étaient courtes, épaisses, courbées en dedans, très agiles, les doigts mous ; il avait précisément cette sorte de mains auxquelles on voit souvent de belles bagues et qui appartiennent aux hommes qui ont du goût pour les travaux manuels et qui aiment à avoir de belles choses.

Volodia avait sans doute perdu, car le monsieur qui regardait ses cartes remarqua que Vladimir Petrovitch avait une terrible guigne, et Doubkov, prenant son portefeuille, écrivit dans le bas quelque chose, puis le montra à Volodia en disant : « C’est ca. »

— C’est cela ! — prononça Volodia en feignant de regarder distraitement dans le carnet. — Maintenant, allons.