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posée à Ikonine, mais le professeur fit triste mine et se détourna de moi.

— Bon, votre tour viendra, nous verrons comment vous savez — prononça-t-il sans me regarder ; et il se mit à expliquer à Ikonine ce qu’il lui avait demandé.

— Allez, ajouta-t-il, — et je vis que sur le registre, en face du nom d’Ikonine, il marquait quatre. — « Eh bien ! Pensai-je, il n’est pas si terrible qu’on le dit. »

Après le départ d’Ikonine, pendant cinq minutes, qui me parurent bien cinq heures, il prépara des livres, des billets, se moucha, s’installa commodément dans le fauteuil, regarda toute la salle et tout le monde, sauf moi. Cependant toutes ces façons ne lui semblaient pas suffisantes, il ouvrit un livre, fit semblant de lire comme si je n’existais pas. Je m’approchai et toussai.

— Ah ! oui ? C’est encore vous ? Eh bien ! Traduisez-moi quelque chose, — dit-il en me donnant un livre. — Non, ici plutôt. Il feuilleta le livre d’Horace et me l’ouvrit à un certain passage que, me sembla-t-il, personne ne pourrait jamais traduire.

— Je n’ai pas préparé cela — dis-je.

— Ah ! vous voulez traduire ce que vous avez appris par cœur. C’est bien, mais traduisez cela.

À peine commençais-je à chercher le sens, que le professeur, à chacun de mes regards interrogateurs, hochait la tête et, en poussant un soupir,