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ruches. La petite figure penchée du vieillard à tête grise, nue, dont le crâne chauve brillait au soleil, s’apercevait près de la porte d’un hangar couvert de paille fraîche et bâti parmi les tilleuls. En entendant le grincement de la porte, le vieux se retourna, et essuyant d’un pan de sa blouse son visage en sueur, avec un sourire doux et joyeux, il vint à la rencontre du maître.

Dans le rucher tout était doux, joyeux, clair. Le vieillard aux cheveux blancs, le visage rayé de nombreuses rides autour des yeux, les pieds nus dans de larges chaussures, qui, en courant et se balançant, venait à la rencontre du maître dans son propre domaine, était si tendre et si affable, que Nekhludov oublia momentanément les impressions pénibles du matin et que son rêve favori lui revint avec vivacité. Il voyait déjà tous ces paysans riches et bons comme le vieux Doutlov, et tous lui souriant avec tendresse et joie parce qu’ils devaient à lui seul leur richesse et leur bonheur.

— Ne voulez vous pas un masque, Votre Excellence ? L’abeille est mauvaise maintenant, elle pique — dit le vieux, en prenant à la palissade un sac de toile sale cousu à une sorte de petit tamis en bois qui avait l’odeur de miel, et le proposant au maître : — Moi, l’abeille me connaît, elle ne me pique pas — ajouta-t-il avec un doux sourire qui n’abandonnait presque jamais son beau visage bruni.