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peine ! Ah ! que j’ai de peine ! Contre moi, ou contre son père ou contre les autorités, il ne fera rien, c’est un moujik craintif, on pourrait presque dire un petit enfant. Que deviendra-t-il seul ? Aide-nous, nourricier — répéta-t-elle, désirant évidemment effacer la mauvaise impression que ses propos avaient produite sur le maître… — Moi, mon père ! Votre Excellence — continua-t-elle dans un chuchotement confidentiel, — je réfléchis comme ça, et je ne comprends pas pourquoi il est devenu ainsi. C’est pas possible, c’est sûrement un mauvais sort qu’on lui a jeté.

Elle se tut un moment.

— Si on trouvait quelqu’un qui puisse le guérir…

— Quelle bêtise dis-tu, Arina. Comment peut-on jeter un sort ?

— Eh ! mon père, on jette si bien un sort, qu’on peut pour toujours détruire un homme ! N’y a t-il pas de mauvaises gens au monde ! Par méchanceté, ils enlèvent un peu de terre au-dessus d’un tracé ou quelqu’autre chose, et voilà, c’en est assez pour perdre un homme. Et le mal est fait ! Je me demande, si je ne devrais pas aller chez le vieux Doundouk qui vit au village Vorobiovka, il connaît des paroles et des herbes qui effacent les sorts, et avec la croix il verse de l’eau, il aidera peut-être, il le guérira peut-être — disait la vieille.

« Voilà la misère et l’ignorance ! » pensa le jeune