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qu’adviendra-t-il ? Ainsi maintenant tu n’as pas de pain et pourquoi ? Parce que ta terre est mal labourée, qu’elle n’est ni binée, ni ensemencée à temps, et tout cela par paresse. Tu me demandes du pain. Eh bien, admettons que je t’en donne, tu ne peux pas mourir de faim, mais on ne peut pas agir ainsi. Le pain que je te donnerai, sais-tu à qui il appartient ? Mais réponds donc. À qui ce pain que je te donnerai ? — interrogeait obstinément Nekhludov.

— Au seigneur — murmura Davidka, timide et en levant des yeux interrogateurs.

— Et le blé du seigneur, d’où vient-il ? Juge toi-même, qui l’a labouré, semé, récolté ? Les paysans, hein, n’est-ce pas ? Ainsi, tu vois : s’il faut distribuer le pain du seigneur aux paysans, il faut surtout le donner à ceux qui ont le plus travaillé, et toi, tu as travaillé le moins de tous ; on se plaint de toi à la corvée. Tu as travaillé le moins de tous et c’est toi qui demandes le plus de blé au maître. Pourquoi donc donner à toi et pas aux autres ? Si tous étaient paresseux comme toi, alors depuis longtemps nous serions tous morts de faim. Il faut travailler, mon cher, et c’est mal, tu entends, Davidka ?

— J’entends, — répondit-il lentement, entre les dents.