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qu’il te faut et pourquoi il te le faut, et ne mens pas, mais dis toute la vérité, et alors je ne te refuserai rien de ce qu’il me sera possible de faire.

— Permettez, Vot’ xcellence, il me semble, nous pouvons comprendre Vot’ excellence, — répondit Ukhvanka en souriant, comme s’il comprenait tout à fait le charme de la plaisanterie du maître.

Ce sourire et cette réponse enlevèrent à Nekhludov tout espoir de toucher le paysan et de le remettre dans la bonne voie par ses exhortations. En outre il lui semblait toujours qu’il ne lui convenait pas, à lui qui avait le pouvoir, d’exhorter son paysan, et que tout ce qu’il disait n’était pas du tout ce qu’il fallait dire. Il baissa tristement la tête et sortit sur le perron. Sur le seuil la vieille était assise et gémissait tout haut et, semblait-il, en signe de compassion pour les paroles du maître qu’elle avait entendues.

— Voilà pour du pain, — lui dit à l’oreille Nekhludov en mettant dans sa main un billet, — mais achète toi-même et ne le donne pas à Ukhvanka, autrement il dépensera tout au cabaret.

La vieille, de sa main osseuse, attrapa pour se lever le chambranle de la porte, elle voulait remercier le maître, sa tête tremblait et Nekhludov était déjà de l’autre côté de la rue quand elle fut debout.