Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/330

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

forces. La vieillesse n’est encore rien, mais je souffre beaucoup d’une hernie. Quand le temps est mauvais, c’est à crier, et il y a longtemps que je devrais me reposer. Ainsi Ermilov, Demkine, Ziabrev, sont plus jeunes que moi et il y a longtemps qu’ils ont remis à d’autres le travail de la terre. Et moi, je n’ai à qui céder ma terre, voilà mon malheur. Il faut se nourrir et voilà : je m’esquinte, Votre Excellence.

— Je serais vraiment très heureux de t’aider, mais comment faire ? — dit le jeune seigneur, en regardant avec compassion le paysan.

— Comment m’aider ? Mais c’est une affaire connue. Qui a de la terre, doit subir la corvée, c’est une règle déjà établie. J’attends que mon garçon grandisse. Mais seulement, je demanderais à votre grâce de le libérer de l’obligation d’aller à l’école, sans quoi, l’intendant est venu dernièrement et il a dit que Votre Excellence le demandait à l’école. Dispensez-l’en ; et quel esprit a-t-il, Votre Excellence ? Il est encore trop jeune, il ne comprend rien.

— Non, mon cher, comme tu voudras — dit le seigneur — ton garçon peut déjà comprendre, c’est pour lui le moment d’apprendre. Je te le dis pour ton propre bien, juge toi-même : quand il grandira, quand il sera le patron, qu’il saura lire et écrire et lire à l’église, avec l’aide de Dieu, dans ta maison, tout s’arrangera — dit Nekhludov en tâchant de